80 ANS LIBERATION DE LA HAUTE SAVOIE 

VENDREDI 4 OCTOBRE 2024 à BOEGE

Lecture organisée par LA CIE DE LA LETTRE G.

A partir du livre de Michel Germain, auteur de LA LIBERATION D’ANNECY ET DE LA HAUTE SAVOIE, montage de Gilles Champion.

2024 09 19 RENCONTRE

Michel Germain auteur des livre sur la libération, Gilles Champion Cie G et René Perrissin du Souvenir Français de la vallée verte

26 09 24 FLYER LIBERATION DE LA HAUYE SAVOIE

 

Un compte rendu partiel de la soirée  https://youtu.be/Iu7LPYgPEok

 

Une lecture par Laurent febvre, Josiane Champion- Magne, Christiane Javelle et Gilles Champion

OUVERTURE PAR LE CHANT DES ALLOBROGES

"Les Allobroges" est l'hymne de la Savoie, qui fut chanté pour la première fois à Chambéry à 1856. C'est aussi l'un des chants des Chasseurs Alpins, une unité d'élite de l'armée de terre française. Dans la vidéo, on peut voir un reportage sur eux, tourné pendant la Drôle de Guerre, durant l'hiver 1939/40.

Gilles : Commençons par l’année 1943.

La guerre dure depuis bientôt 4 ans. L’Europe est à feu et à sang. Notre France est défigurée par l’occupant nazi. Notre République bafouée, humiliée par le régime de Pétain, le peuple a faim.

Mais il y a la magnifique victoire de l’Armée Rouge en janvier 43 à Stalingrad, le débarquement en Algérie en novembre 42, les préludes au débarquement en Sicile dès le 10 juin 43, en Corse en septembre 43 avec l’action du Général Giraud. Ces grands événements changent l’état d’esprit des protagonistes en France. Le régime de Pétain se raidit et s’enfonce encore plus dans la collaboration. La Résistance se fédère avec la création du CONSEIL NATIONAL DE LA RESISTANCE, le 27 mai 1943 grâce à l’action de notre grand Jean Moulin.

Car il y a deux attaques majeures en France contre la Nation.

Le 31 janvier 43, Pétain crée la Milice française, une véritable police politique au service du régime. A Annecy, elle s’installe dans une magnifique villa du quartier des Marquisats, qui va devenir synonyme de prison, tortures et violences.

Le 16 février 43, il y a la création du Service du Travail Obligatoire, le STO, pour obliger des jeunes français à aller travailler en Allemagne, pour remplacer les Allemands envoyés comme chair à canons sur le front de l’Est.

Peu de jeunes de la Haute Savoie partiront et les réfractaires sont nombreux, ils seront l’amorce des maquis de la Résistance. Ces maquis seront vite renforcés de jeunes réfractaires de toute la France qui seront récupérés par des réseaux communistes, jeunes catholiques et de simples paysans. Très vite, malgré l’occupation par des troupes italiennes, ces maquis reçoivent des premiers parachutages. Grâce aux les Francs-Tireurs et Partisans, FTP, à l’Armée Secrète, ces jeunes deviennent  des maquisards combattants.

Laurent : A ne jamais oublier également : des centaines de juifs sont cachés et sauvés comme à Megève, honneur aux Justes.    

Mais la Milice, puis les troupes nazies qui occupent toute la zone libre, après la capitulation de l’Italie mussolinienne le 8 septembre 43 devant les alliés, déchaînent la répression. Celle-ci est féroce, contentons-nous de citer le crime du boucher de Lyon, Klaus Barbie, qui le 11 décembre 43, tue de sang-froid le boulanger du village de Gruffy. Mais après sa torture de Jean Moulin, son infamie de la maison d’Izieu, l’histoire va le retrouver et le condamner. La justice des hommes peut être lente, mais elle a triomphé.

Le 13 mars 44, plus de cent personnes sont raflées, parquées sur le bateau France sur le Lac d’Anneçy, 12 vont mourir en déportation.

Jusqu’au 10 août, on fusille à tour de bras, des dizaines et des dizaines, résistants, villageois, femmes et hommes sans distinction.

Cela n’arrête pas l’ardeur de la Résistance. Et même si les enfants posent toujours la même question « dis maman, qu’est-ce qu’on mange ? », la résistance continue : renseignements, boites aux lettres, liaisons, surveillance du téléphone, noyautage des administrations publiques, faux papiers, tracts, distribution des journaux clandestins, réunions des membres des mouvements, tout cela avec un sang-froid qui n’a d’égal que la détermination des patriotes, bien décidés à faire que la Haute Savoie se libère. Mais il reste encore de nombreuses épreuves.

Pour terminer cette première présentation, comment ne pas évoquer le combat des Glières de mars 44, une défaite militaire certes, mais une victoire psychologique et le début d’une reconquête de la liberté, ils ne sont pas morts pour rien.

Josiane : Le combat pour la libération commence

20 juillet 44 : Les chefs régionaux de la Résistance se réunissent à Saint Genix-sur-Guiers. L’examen porte sur tous les aspects de l’organisation interne aux mouvements, la préparation de nouvelles municipalités, fonctionnement des comités de libération, la préparation de la prise de pouvoir. La conséquence de ces décisions est la responsabilité de la vie quotidienne de nos concitoyens durant la période transitoire, qui peut être de longue durée.

Sur le plan des opérations, le gouvernement d’Alger souhaite une importante participation des Français aux opérations de Libération, quelles que soient les dispositions des alliés à notre égard. Les résistants devaient aussi ne pas perdre de vue, qu’ils n’avaient aucun mandat officiel et que leur seule mission consistait à restaurer la République.

Le plan de l’Etat Major des Forces Françaises de l’Intérieur, les FFI est le suivant :

Laurent :

  • Couper le département de toutes communications avec le reste du pays,
  • Nettoyer les vallées de l’occupant en commençant par la haute vallée de l’Arve, Chamonix, le Fayet, le Chablais, Saint Gingolph et Evian,
  • Enfin concentrer les forces de la Résistance sur Annecy

Josiane : Et cela commence par un magnifique parachutage des conteneurs d’armes le 1er aout 44.

Ce jour-là, il fait un temps splendide et le ciel est d’un bleu profond, d’un bleu de France. Le silence de l’alpage est bientôt troublé par un ronronnement lointain. Tout le monde retient son souffle et scrute l’horizon vers l’ouest : c’est l’heure.

Il est 13 h 30. Bientôt ils apparaissent, quelque peu en retard, mais qu’importe puisqu’ils sont là. En six vagues, les 72 bombardiers de la Royal Air Force, la RAF, survolent Thorens. En bas, la population agite des mouchoirs, des torchons blancs en signe d’allégresse, pour remercier ces aviateurs qui ont survolé toute la France, pour venir larguer leur précieuse cargaison et qui apportent tant d’espoir. Les forteresses volantes sont escortées par 63 chasseurs. Il est de ces spectacles dont on se souvient jusqu’au terme de sa vie. Celui-là en est un.

Christiane : Debout dans la cour du quartier de Galbert, les Feldgrauen regardent descendre les conteneurs. Ils pensent qu’une formidable opération aéroportée est en cours sur le plateau, venant renforcer les bruits savamment entretenus par le Service de Renseignement de la Résistance. Lorsque l’alerte prend fin à 15 h30, les discussions vont bon train. Il est incontestable que cette démonstration de force en plein jour, prouve :

  • la maitrise du ciel par les alliés,
  • et celle de la résistance savoyarde, capable de mobiliser plus de 3000 maquisards pour récupérer jusqu’au dernier des 400 conteneurs d’armes.

Tout ceci a contribué à démoraliser les occupants. L’effet psychologique est capital.

La libération du pays approche, le commissaire de la République pour la région, Yves Farge, approuve le plan de la Résistance : d’abord des détachements qui doivent couper les accès du Rhône au Bugey, puis occuper de nombreuses villes avant de converger sur Annecy. La Résistance fait diffuser un tract à la population : 

Gilles : « se sentant aux abois, les adversaires multiplient les arrestations des bons français qui travaillent et s’exposent pour préparer ce jour. Journellement, des savoyards sont arrachés à leur terre natale parce qu’ils ont commis le crime de vouloir la conserver à la France. Nous ne sommes pas décidés à le tolérer et nous entendons avoir de plus en plus les coudées franches, pour compléter notre préparation. En conséquence, à partir du 15 aout :

Laurent : Nous vous demandons de vous opposer à ces arrestations pour motif politique. Que dans les villages le tocsin sonne, que dans les villes l’alerte soit donnée, que les populations s’assemblent pour forcer les policiers à libérer leurs proies.

La peine du talion sera appliquée à tout individu qui aura contribué, par délation ou par action, à une arrestation quelconque : au jour de la libération, le gendarme, le policier, le délateur prendront en prison, la place de notre ami et seront frappés de la même peine. Si l’arrestation d’un des nôtres risque d’entrainer pour lui la peine de mort, la même peine de mort pourra être appliquée immédiatement aux auteurs de l’arrestation. Un chapitre spécial du livre de justice est ouvert à cet effet.

Gilles : Que les policiers et les gendarmes sachent que nous n’avons nulle haine contre eux ! Nous connaissons leur dévouement, leur conscience et les sentiments qui les animent généralement. Mais en acceptant de nous faire la chasse, ils doivent savoir qu’ils jouent un jeu dangereux et que, quant à nous, nous avons le devoir absolu de protéger et nos hommes et notre œuvre. »     

Christiane : Et c’est le vendredi 11 août que les FFI lancent la mobilisation générale. En effet l’Etat-Major a été informé du prochain débarquement des Alliés en Provence le 15 aout. Il faut donc détruire au plus vite les arrières de l’ennemi. Et l’exemple du massacre d’Oradour sur Glane, montre combien une armée en mouvement rapide peut se montrer cruelle. Il ne s’agirait pas que cela arrive à un village.

CHANT 2 : bella ciao

Ne pas oublier que la Savoie a été italienne avant le rattachement de 1860

Josiane : Les opérations

Elles commencent à Alby-sur-Cheran le 11 aout.

Le 12 aout, combats à Longchamp où une embuscade FFI bloque 18 camions, tuent 32 soldats et en blessent 45, les combats sont durs.

Le lundi 14 aout, au petit matin, à Balmont, les gars de Thônes roulent vers Alby, en portant bien haut leurs étendards. Dans chaque village traversé, le chef de l’expédition, le capitaine FFI Joubert, laisse deux sédentaires qui ont pour mission de neutraliser le téléphone. Via le col du marais, le convoi gagne bientôt Faverges. Les populations sont très surprises de découvrir cet équipage de l’armée des ombres, qui évolue maintenant au grand jour, surprises mais fières. Les étendards FFI frappés de la croix de Lorraine flottent au vent de l’espoir.

Mardi 15 aout. De partout on s’apprête à fêter l’assomption. A Saint Sylvestre les paroissiens assistent à l’office, alors que la section des Evadés, qui a grimpé par le bois de Pissieux arrive tout essoufflée et en sueur devant l’église. Le lieutenant FFI Bollard fait déposer les Fusils Mitrailleurs à droite et à gauche de l’entrée et, tandis que les copains assurent la garde à l’extérieur, certains maquisards s’agenouillent. Le curé n’en croit pas ses yeux. La messe terminée, les maquisards reprennent la guerre là où ils l’ont laissée quelques instants auparavant.

Toujours le 15 aout, la chaleur est étouffante. Le groupe des évadés arrivent sur leur position à Chaux et constatent que les Allemands s’enfuient à bord de leur camion. Ils ouvrent le feu mais trop tard. La section envoie deux gars, habillés en civil, chez Irène Martinat pour lui demander de faire évacuer les familles, car les Allemands ne vont pas tarder à trouver les papiers et l’argent restés dans le camion volé. Une jeune fille raconte.

Christiane : « Nous étions en vacances, il faisait beau. Luce jouait chez les Encrenaz. Je suis allée la chercher sur ordre de maman pour déménager la maison. Moi, Luce et maman enceinte de 8 mois, nous avons déménagé la maison tandis que notre petit frère de 15 mois était gardé par la voisine. Maman donna des papiers à un voisin employé des PTT et sympathisant résistant. Maman a quitté la maison en vélo-taxi et a été accueillie par de la famille.

Quant à nous, avec notre petite valise, nous sommes restés sur le bord de la route. Nous avions 6 et 7 ans et demi. Nous savions très bien ce qui se passait. Notre prime enfance ayant été volée, nous étions grandes et raisonnables, conscientes des événements. Au bout de la route il y a la garde mobile et l’horloge, nous regardons l’aiguille. Maman nous a dit que si à 8 h Mme Debray n’est pas venue nous chercher, vous irez à l’école, ce qui nous enchantaient guère. Enfin nous avons vu arriver Mme Debray et Mr Montessuit qui nous ont emmené sur le porte bagage de leurs vélos. »

 

 

Gilles : Chamonix

La bataille pour la libération de Chamonix commence le 14 août. Les unités de l’Armée Secrète de la région sont mises en mouvement. Le 15 août, premier accrochage. Les maquisards de Vallorcine obligent les Allemands montés du Fayet, pour renforcer Chamonix, à faire demi-tour sous un feu nourri.

Le 16 aout, les Allemands, qui tentent de fuir de Chamonix, sont violemment accrochés au viaduc Sainte-Marie aux Houches. Ils perdent huit hommes, dont leur chef, leur camion est complétement détruit. Nous perdons un des nôtres dans les combats. Le 17, nous rendons leurs 8 morts aux Allemands en présentant les armes. Ce geste fait progresser l’idée chez eux, que les « terroristes » sont des soldats et que l’on peut traiter dignement avec nous. Alors à 17 h, piégés, le colonel commandant la garnison, accepte la reddition. Chamonix est libérée.

La même chose se passe au Fayet, mais on a frôlé le drame. Le commandant fait rafler des otages le 16, dont le maire et le curé et ils les parquent dans l’hotel des Alpes. Il fait la même chose avec 10 gendarmes. Mais le 17, l’officier américain Léon Ball, présent depuis septembre 43 dans la région, lui écrit qu’il a l’intention de les attaquer avec les FFI, mais, s’ils se rendent avant 15 h, ils seront considérés comme des Prisonniers de Guerre avec application de la convention de Genève.

Et vers 17 h, c’est le soulagement avec sa reddition sans condition. Nous escortons 62 prisonniers jusqu’à Chamonix, Fayet est libérée.     

Josiane : Evian

Dans les hôtels de la ville, il y a 800 soldats allemands blessés sur le front de l’Est, plus des gendarmes allemands à l’hotel Continental.

Des tractations s’engagent le 16 aout entre les Franc Tireurs et Partisans et le lieutenant-colonel responsable des Allemands. Tout se passe bien. A 11 h 30, la Résistance les font prisonniers et le Comité de Libération de la ville se met immédiatement en place. C’est si rapide que lorsque les FFI défilent, la population, surprise, n’est pas encore descendue dans les rues !

Laurent : Thonon

Contrairement à Evian, les combats sont violents. Dès le 16 aout à 6 h, les FFI attaquent la garnison à Rives, il y a beaucoup de tués et il faut attendre 12 h 30 pour que le drapeau blanc apparaisse à une lucarne. La capitulation est reçue, sans condition.

Mais au sacré-cœur et au séminaire, les combats sont violents pendant 24 h et ce n’est que le 17 aout au matin, que leur chef accepte d’aller constater par lui-même, la reddition de son homologue à Evian. Après une longue discussion avec lui et de retour à Thonon à 16 h, il accepte de capituler. Les FFI font alors 659 prisonniers de guerre de plus. Mais 14 résistants sont morts, plus 3 civils. Thonon a payé un lourd tribut à la Libération. 

Christiane : Annemasse et Boege

Le 18 aout, avec 300 FFI, le combat commence avec les 60 allemands de la garnison à l’hotel Pax. Pour eux, il s’agit de tenir, le temps pour 150 autres de demander l’asile en Suisse. Et ils l’obtiennent. Mais un asile de courte durée car ils seront assez vite renvoyés comme PG en France.

Mais à 10 h 30 la garnison se rend, enfin ! La ville est en liesse et à 18 h se déroule une grande manifestation patriotique devant la mairie.

En aparté, 3 nazis sont passés en Suisse à l’aube, passage négocié par la Résistance contre la libération de tous les prisonniers politiques enfermés à l’hotel Pax. Rien n’est simple en temps de débâcle militaire, mais la libération en vie des camarades n’est-elle pas l’essentielle ?

Saluons les gars de l’Armée Secrète de Boege qui cantonneront à Monthoux du 18 au 25 aout après les combats pour la libération d’Annemasse, hommage.     

Gilles : La libération d’Annecy

Petit à petit, l’idée de la reddition fait son chemin dans les esprits germaniques. Mais la garnison et son colonel ne peuvent se rendre sans que les résistants ne leur demandent. Et un jour, un capitaine allemand fait savoir à la Résistance que son patron est prêt à se rendre, mais il ne peut le faire sans ultimatum.

Les forces allemandes sont estimées au mieux à 1200 hommes, mais que fera la Milice ? La Gestapo ? Les collabos ?

Les maquisards peuvent compter sur plus de 600 combattants en arme, plus des centaines de sédentaires sans arme.

L’état-major de la Résistance décide de mettre en place le dispositif sur Annecy le 19 aout, l’attaque doit se faire le dimanche 20 aout. Les agents de liaison partent à bicyclette à travers le département. On ne se souviendra jamais assez de ces jeunes filles, qui ont pédalé des kms pour transmettre un mot, un ordre et toujours au péril de leur vie. Elles seront en bonne place lors du défilé de la libération du 20 aout.

Il serait fastidieux de tout raconter dans le détail. Mais certains faits d’un grand courage méritent d’être exaltés, comme la reddition de la Milice. C’est le cas d’Edouard Peccoud, alias Quino, chef de l’Armée Secrète de Rumilly, arrêté le 26 juillet et maintenu prisonnier.

Josiane : Mais dès le 13 aout, les miliciens sont inquiets car leurs familles, femmes et enfants, n’ont pas pu quitter la ville pour aller à Lyon et les Allemands réclament un engagement ferme de la Milice : que faire ?

Alors le 18 aout, Quino est convoqué dans le bureau du chef de la milice.

Laurent fait Quino : « je suis surpris de l’accueil, on me donne une chaise, le chef m’offre un verre et, resté seul avec moi, il me demande s’il ne serait pas possible de sauvegarder et de garantir la vie des femmes et des enfants. Je lui promet mais il craint que les FTP ne suivent pas cet engagement, je l’assure que je peux leur faire entendre raison. Il me propose alors :

  • Gilles fait le chef milicien : Si je vous donne deux heures de liberté, rentrerez-vous, même si vous devez être fusillé ?
  • Oui, je le promets.

Je fonce alors rencontrer le chef de l’Armée Secrète, Jean Carqueix, qui va en simca 5 en rendre compte au PC départemental au Grand Bornand, il reçoit un accord.

Et comme prévu, moins de deux heures plus tard, je suis avec le chef de la milice.

  • Gilles: J’ai beaucoup d’admiration pour vous et en récompense de votre retour, je vous libère.
  • Je vous remercie mais je ne peux repartir qu’avec la totalité de mes camarades, ou bien je subirais leur sort.

Josiane : On discute durement, mais en fin de compte

  • Gilles : Vous êtes tous libres !
  • Et vous, les trois chefs, qu’allez-vous faire ?
  • Gilles : Pour nous, demain à 5 h, nous partons avec les Allemands, ce n’est pas le moment de juger, c’est trop tard, il ne faut pas revenir sur une parole donnée.

Laurent : Deux heures plus tard, Nizier le chef FFI envoie un télégramme : « je m’engage à ne pas inquiéter les familles des miliciens, à la condition expresse que les 42 otages soient remis à l’évêque d’Annecy le 18 aout à 23 h »

Mais cela dure toute la nuit et enfin, à l’aube, les prisonniers sont libérés ! Quant aux 96 miliciens qui se sont rendus, on  a bien du mal à les exfiltrer au Grand Bornand où ils sont enfermés dans la salle des fêtes, tant la colère de la population est vive. Ils deviennent des prisonniers de guerre.

Sans un coup de feu, grâce à une forme de diplomatie, ils sont tous arrêtés, en attente de jugement, nos camarades tous libérés sain et sauf. Toutefois je n’oublierais jamais le jeune milicien de 20 ans, qui, avec son révolver, se tire une balle dans la tempe, devant moi, après un dernier regard de haine contre moi.   

Josiane : Il faut aussi évoquer la reddition de la caserne Galbert.

A 5 h30, les chefs des FFI décident d’un plan de marche, sous la direction du chef départemental du Service Atterrissages et Parachutages, le SAP, surnommé Pan Pan. Il faut neutraliser la caserne avant l’arrivée redoutée des SS et à 6 h, on passe à l’offensive.

Il y a un barrage de soldats devant l’école l’école primaire de Cran mais à 7 h, les 15 allemands du barrage se rendent sans combattre. Les FFI traversent Cran et pénètrent dans la caserne à 8 h. Le premier à se rendre est l’armurier, il a 50 ans et il tend son révolver, il a bien compris que toute résistance est inutile.

Le drapeau nazi est enlevé, enfin. Les autres soldats se rendent, abattus et terrifiés. Ils ont tellement entendu d’histoires sur la barbarie des monstres terroristes, qu’ils s’attendent au pire, cela se voit sur leurs visages d’adolescents, tout est fini à 8 h30, apparemment.

Car à 9 h, une voiture allemande arrive avec 4 SS dont leur chef Fromes. Ce fourbe fait croire qu’il vient se rendre, mais il vient essayer de retourner les soldats prisonniers. Pour pouvoir rentrer, il se montre plein de gentillesse envers les maquisards. Mais devant la grille, Pan Pan reconnait le nazi, il sort son colt. Alors Fromes lui tire dessus à bout portant et Pan Pan est blessé gravement. Aussitôt un maquisard tire une rafale sur la voiture, tue deux nazis mais hélas tue aussi deux résistants. Avant de partir à l’hôpital, Pan Pan veut encore parler au chef SS. Dans un dernier spasme, il lui dit

Laurent « je n’avais rien à perdre, sinon la vie… ».

Si personne ne peut regretter la mort des 3 SS, la mort des 2 résistants est un drame. Ils seront les seules victimes ou presque de la journée de libération de la ville.  

Christiane : Mais au sein de la population, tout va très vite.

Dans la journée, au fur et à mesure que les minutes passent, les habitants s’enhardissent, constatant qu’il n’y a plus de danger, les gens explosent. Il est maintenant 11h et la reddition est connue de tout le monde, toutes les cloches sonnent à toute volée !

Dans la rue, c’est la liesse ! La permanence de la Milice est pillée et saccagée, les documents brulent, ainsi que le local de La Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme, la LVF…quelqu’un a écrit ce panneau humoristique « fermé pour des raisons indépendantes de notre volonté ». Les panneaux indicateurs en allemand sont détruits, les drapeaux à croix gammées sont piétinés. Le panneau des morts de la LVF est rectifié avec « liste des salopards morts contre la France ». Des drapeaux français avec la croix de Lorraine, des drapeaux américains ornent les fenêtres.

Moins gai, devant la poste centrale, une jeune fille est lynchée par la foule, car elle est accusée de rapports sexuels avec l’ennemi : elle est sauvée par l’adjudant Dubois et deux gendarmes.

Ceci restera comme une tâche morale. Car comment ne pas évoquer les récits des Prisonniers de Guerre français comme Georges Nossent, dont la vie sera évoquée ici à Boege le 9 mai prochain :

Gilles : « Jamais nous ne voyons de femmes et tous les trois mois on nous fait signer une feuille par laquelle, nous déclarons savoir que nous risquons la peine de mort, si nous sommes pris à entretenir des relations avec des femmes allemandes »

Christiane : et qui suite à la déclaration du sanguinaire Heydrich, chef de la police de sureté du Reich, qui, dès le 5 aout 40, éructait :

Laurent « Conformément à l’ordre du Führer, les PG doivent être punis de mort en cas de rapports sexuels avec des femmes allemandes. Il faut garder la pureté de la race allemande, les PG français sont des dégénérés avec l’apport de sang nègre. ».

Christiane ; Ces jeunes femmes, pour beaucoup sincères, méritaient-elles cette infamie publique ?

Mais la joie du peuple est immense, Jean Monnet, alias Baron témoigne :

Gilles : Lentement, à travers l’avenue d’Albigny, nous avançons vers la ville avec une douzaine de camions et des motos. De cette colonne se dégage une véritable impression de puissance. Gracieux symboles, vivantes images de la victoire, des jeunes femmes viennent vers nous. Avec un zèle extraordinaire, elles ont dépouillé les jardins et les champs de leurs fleurs. Elles nous lancent ces bouquets improvisés en souriant et le cœur serré d’émotions, nos hommes les attrapent au vol. Puis viennent les cris

Josiane et Christiane : « bravo les libérateurs ! Vive le maquis ! Vive la Résistance ! ».

Laurent : Arrivés au Paquier, nous devons assurer la garde des hôtels précédemment occupés par les Allemands, car il faut canaliser l’enthousiasme délirant de la foule, donner d’emblée une impression d’ordre et de discipline, éviter le pillage. C’est désormais une tâche ingrate qui s’offre à nous. La chaleur est épouvantable, nous n’avons pas dormi et nous sentons la fatigue. Il faut pourtant rester debout, sans défaillance, autour des monuments publics. J’admire la force de nos petits gars qui ne bronchent pas, ne murmurent pas mais s’adaptent à leur nouvelle et fatigante mission.

CHANT 3 : Y'a d'la joie

Josiane : Le temps du recueillement

Il arrive dès la toussaint 44.

C’est un hommage aux disparus et à celles et ceux dont on espère toujours qu’ils vont revenir.

C’est la journée des martyrs. Sous une pluie persistante et froide, un cortège part de la préfecture pour venir au monument place du théâtre. L’ambiance est grave. Le 11 novembre, l’association des rescapés des Glières organise au cimetière de Morette, une cérémonie pour honorer les résistants. Et aux morts de la guerre de 14-18, on associe celles et ceux de cette seconde guerre mondiale, qui n’a que trop duré.  

Laurent : Conclusion

Depuis 80 ans la Haute Savoie s’est couverte de plaques et de stèles commémoratives. Chaque année on se souvient et pour associer tous nos morts, on peut penser à ce monolithe de granit pointé vers le ciel comme pour implorer les hommes de ne pas recommencer. Dressé sur la prairie de Vieugy aux portes d’Annecy, il porte aujourd’hui les noms de 40 patriotes fusillés ici. A sa base un quatrain de Jean Fréville.

Christiane : Et vous êtes tombés aux mains de vos bourreaux stupides

Gilles : Levés avant le jour, grands morts, morts confondus, morts clandestins,

Josiane : Sanglants, déchiquetés, inertes et livides

Laurent : nous allumons une aube à vos regards éteints.

Gilles : Générations d’après-guerre et jeunes d’aujourd’hui, la mémoire est si fragile, ne laissons pas la poussière de l’oubli recouvrir les tombes de nos martyrs, sinon, gageons que la bête immonde resurgira du ventre fécond où elle somnole et qu’à nouveau le feu et le sang s’empareront de nous.

Et pour paraphraser de Gaulle, affirmons avec force, conviction et détermination,

Josiane : « la flamme de notre mémoire ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas »

Chant 4 : le chant des partisans

2024 08 24 80 ans liberation Montluc 18

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